Au fil des ans et de ma curiosité, ma démarche artistique s'est nourrie de vie terrestre, de voyages, de regards, d'émotions.
Photographier, sculpter,
broder, feutrer, des techniques et matériaux
différents qui m'emmènent vers les mêmes rencontres : apprivoiser le
temps, la matière, le mouvement, la
vie à travers la matière.
Je
brode de pulpeuses coloquintes dans une série de tableaux, dresse des
sculptures de terre, bois, ou métal, dessine de calligraphiques
silhouettes qui tantôt se détachent, tantôt se fondent dans un jeu de transparence ou de cache-cache avec l'horizon, photographie les petits détails de la vie qui m'entoure...
Avec mon objectif photo, je saisis l’instant où le rayon du soleil touche et magnifie la matière. Je l’observe, de près, en mode macro, pour entrer en elle grâce à mon regard, la découvrir, la reconnaître, et, dans le velouté d'un pétale, la force d'un pistil, l’ouverture d'étamines… elle m’apparaît dans toute sa vitalité !
Avec mon objectif photo, je saisis l’instant où le rayon du soleil touche et magnifie la matière. Je l’observe, de près, en mode macro, pour entrer en elle grâce à mon regard, la découvrir, la reconnaître, et, dans le velouté d'un pétale, la force d'un pistil, l’ouverture d'étamines… elle m’apparaît dans toute sa vitalité !
Over the years, my artistic approach has been fostered by feeling, observing, traveling and living life on earth.
Photography, sculpture,
embroidery, painting, drawing, various techniques and matrials have
led me in the same direction - seeking to tame time, materials, body
movement, and wandering of the heart, mind and soul through matter.
I
embroider luscious colocynths in a series of "paintings", fashion
clay, metal and wood sculptures, draw calligraphic silhouettes; these
sometimes stand alone and at other times melt into playful transparency
or a game of hide and seek with the horizon.
(translated from French by Barbara Erickson)
texte de présentation écrit par Natacha Giafferi-Dombre, Galerie MARASSA TROIS pour l'expo "Nouveau Printemps (mars-avril 2009)
"Le primitif s'exprime à travers moi. (...) L'errance devient voyage."
L'histoire de cette exposition commence loin d'ici, dans un oued du Sahara, près de Tamanrasset.
Dans
une humble hutte de Tanget, Nathalie Roussel se trouvait à broder
pendant qu'on faisait les jardins. Elle piquait la toile à mesure
qu'étaient repiquées les tomates, dans un même geste de semeur, vers une
même germination. Dans le coin supérieur gauche du Jardin de Tanget,
on peut ainsi déceler les courbes d'un haricot, mais sans doute aussi
une Vierge à l'Enfant, une maternité. Près des cultures dont la
voyageuse est le discret témoin, les coloquintes jonchent le sol,
délaissées, tout au plus utilisées dans la médecine traditionnelle ou
données au bétail seul capable de la digérer. Comment rendre grâce à ces
formes superbes aperçues au fond des cavités desséchées, ouvertes,
cassées ? Comment dire la fascination levée de ces choses sèches et
ternes mais porteuses d'univers secrets pour qui sait les observer ?
Ainsi, dans la toile Coloquinte - un fruit naît dans le désert - VIII,
s'arrondirait presque une matrice, sinon même une ovule nichée dans
une nuée de spermatozoïdes. La création ! "Ce ne sont pas des natures
mortes que je peins, pas du tout !". Pour l'artiste, le mouvement
ascendant constant à travers cette série esquisse bien un mouvement de
naissance, quelque chose qui serait né d'une faille. Richesse du
créateur qui a l'humilité d'observer la Nature !
Les
couleurs de Nathalie Roussel sont encore "tirées au sort" : elle se
"laisse porter". Les traits s'affirment à mesure que mûrit l'intuition,
sans aucune idée de départ. Ainsi le voyage n'est-il pas seulement
intérieur, il est aussi dans la façon de travailler. La broderie de
Nathalie Roussel ne suit pas un schéma, comme le fait l'artisan, pas
plus qu'elle ne cherche à en analyser le sens au cours du "travail" (ici
presque au sens d'accouchement) : elle ne quitte le formel
qu'après-coup, quand vient le recul et que, se décollant de l'œuvre
qu'elle a elle-même produite, elle en découvre le sens.
Les deux autres toiles exposées ce printemps se nomment Effusion fleurie (2008) et Sans titre (2007). Sans titre
- parce que trop riche de sens ? - fût commencée en août 2007 sur un
chantier de restauration d'un vieux château des Cévennes dont Nathalie
Roussel aimait les vieilles pierres : sur la toile, les arcades du
bâtiment sont reprises sous forme de tracés oranges aux côtés de deux ou
trois fenêtres ou portes imaginées par l'artiste. Alors qu'elle
dessinait, des feuilles se détachent d'un figuier : le dessin commença à
grandir, s'ouvrant à de nouvelles perspectives. Un passage par Nîmes,
et voilà un taureau, à gauche du tableau ! Le vieux château devient
bestiaire.
Lors de
la première mise sur châssis, la toile pendait, froissée. Nathalie
Roussel l'a alors découpée, puis appliquée. Cette nouvelle cartographie
lui donne l'idée de faire subir le même traitement à des œuvres plus
anciennes comme à ses plus récentes créations. Ainsi pour Effusion fleurie
: traversant à l'été 2008 des moments difficiles, l'artiste s'en va
chercher de la dentelle qu'elle utilise comme pochoir puis en
retravaille les spirales. Elle y voit des coquillages, ils apparaissent
donc ! Enfin, comme cela manquait à son goût de végétal, elle les
fleurit...
Née à
Lille en 1964, cette relative autodidacte se forme avec volonté auprès
d'artistes rencontrés lors d'ateliers ou de stages. Ses voyages, à
l'étranger mais aussi dans le Sud de la France, ont aiguisé sa
perception et métissé son imaginaire. Partie seule, telle Alice, d'un
livre destiné à l'apprentissage des jeunes filles en vue notamment de
leur faire préparer leur trousseau, et sans autre formation que quelques
ateliers du soir en dessin et en sculpture (terre, plâtre, bois,
soudure), Nathalie Roussel s'est vite évadée. Enfin, d'une longue
pratique de la danse elle reçoit une compréhension presque intuitive des
dimensions : les distances sont "sues" par le corps avant d'être
médiatisées par l'esprit.
Natacha Giafferi-Dombre, Galerie MARASSA TROIS